Vers
la deuxième décade du mois de juillet dernier, j’ai commenté dans les
grandes lignes la doctrine de l’éveil dès ce corps selon le Shingon et selon
le Lotus. Sans
doute que par la suite, vous avez utilisé uniquement l’éveil dès ce corps
selon le Sutra du Lotus. Si ce n’est pas le cas, ce sera, comme pour les gens
de notre époque, l’éveil dès ce corps sans obtenir la voie. Cela
m’inquiète.
Vous devez lire avec toute votre attention la doctrine que
je vous ai écrite l’autre jour. La doctrine appelée
« devenir Bouddha dès ce corps », tous les savants reconnus de ce
monde, la considèrent comme l’affaire la plus importante.
En particulier, mes
disciples doivent uniquement prêter attention à cette question, en laissant
toute autre de côté. Depuis
la cinquième année de Kenchô jusqu’à présent cette troisième année de Kôan,
pendant vingt-sept ans, les
doctrines dont j’ai parlé dans tous les lieux où je me suis trouvé sont
nombreuses, cependant, leur finalité se résume à cela.
Parmi
les savants de ce monde,
ceux de la lignée du Shingon considèrent que l’abhiseka célébrant
l’intronisation des bodhisattva de l’enseignement particulier, dans les
trois sutras dont le Sutra du Grand soleil, incorporés aux
quatre saveurs, trois enseignements prêchés par le vénéré Shakya, est
l’ultime éveil dès ce corps. Il s’agit en fait de l’attestation de
l’obtention de la terre de la joie par les bodhisattva des dix degrés de
transfert parmi les sept degrés. Il ne s’agit
nullement de la doctrine de l’éveil dès ce corps de l’enseignement parfait.
Même si l’on objecte que c’est dans le sutra, les œuvres
et vertus attestant de la pratique de la joie sont déterminées en fonction de
la condition (des bodhisattva). Il s’agit uniquement
de la pratique de la cause par les bodhisattva des dix degrés. Les bodhisattva
à partir des dix terres jusqu’à l’éveil égal ignorent les effets. Si
j’en parle de façon strictement rigoureuse, avec l’esprit de
l’enseignement parfait, (cet éveil dès ce corps) est semblable à la Une
pensée des identités de dénomination et de contemplation au sein des six
identités. Et si l’on en parle avec moins de rigueur,
il s’agit alors de la fusion harmonieuse du factuel et du principiel de
l’identité de contemplation, et non pas de la contemplation du principe par
la sagesse. Même en se référant au Traité sur
l’aspiration à l’éveil ou aux trois sutras du Sutra du Grand soleil, ce
n’est nullement l’éveil dès ce corps. C’est une
doctrine largement
inférieure à l’obtention du degré de l’endurance de son corps vivant.
Ainsi, mystifiés par les phrases du Traité sur
l’aspiration à l’éveil affirmant que l’éveil dès ce corps se trouve
uniquement dans l’enseignement du Shingon, les gens de ce monde pensent que
devenir Bouddha dès ce corps ne se limite qu’à l’école du Shingon. Pour
cette raison, ils disent que le Sutra du Lotus, qui prêche
de manière correcte l’éveil dès ce corps, est une plaisanterie. Le
cinquième volume de l’Arrêt et examen indique : « Par exemple, même
celui qui est dégoûté du monde se complait dans un véhicule vulgaire et
s’accroche aux branches et aux feuilles. Le chien
s’habitue au serviteur, on respecte un babouin comme
si c’était Taishaku, on vénère un caillou pensant que c’est un joyau.
Comment de tels hommes, plongés dans l’obscurité
peuvent-ils enseigner la voie » ? C’est la même chose. Quelle
tristesse que les savants de l’Ornementation fleurie, des Incantations sacrées
et de l’Aspect des dharmas, perdent leur temps en vain et s’écartent de la
doctrine de l’éveil dès ce corps.
En premier lieu, la doctrine de
devenir Bouddha dès ce corps selon le Sutra du Lotus est attestée par la fille
du Roi des Dragons. Le chapitre Devadatta dit : “En l’espace d’un
instant réaliser l’éveil correct”. Il dit encore : “Elle se
transforma et devint un homme”. Il énonce encore “elle se dirigea vers le
monde immaculé en direction du sud”. Le grand maître Dengyô dit: “La
fille du Roi des Dragons qui enseigna, n’avait pas pratiqué pendant des éons ;
les êtres à qui elle enseigna n’avaient pas pratiqué non plus pendant des
éons. L’enseignante comme les enseignés n’ont pas pratiqué pendant des éons.
Le pouvoir du Sutra du Dharma merveilleux est de permettre de devenir Bouddha dès
ce corps”. Il existe par ailleurs deux formes d’éveil dès ce corps dans le
Sutra du Lotus : la doctrine éphémère enseigne l’éveil dès ce corps
principiel et la doctrine originelle l’éveil dès ce corps factuel. Concluant
que l’éveil dès ce corps de la doctrine originelle est l’identité du degré
actuel et de la merveille, sans modifier ce qui est à l’origine, on peut dès
lors appeler Ainsi-venant au triple corps sans artifice, présent à l’origine,
le corps de chair tel qu’il est. Cette doctrine est absente des sutra enseignés
par le Bouddha au cours de sa vie. Dans les Mots et phrases, il est dit :
“Au sein de tous les sutra, ceci est tenu secret, sans être divulgué”.
Il existe par ailleurs
deux périodes où le Sutra du Lotus se propage : ce sont l’époque du
Bouddha et la Fin du Dharma. L’ascèse également montre deux significations :
du vivant de l’Eveillé, c’était l’unique enseignement parfait, alors que
le temps présent, Fin du Dharma après l’extinction (du Bouddha), est le
temps où uniquement la doctrine originelle doit être propagée. Cela fait désormais
plus de deux cents ans que le temps de la propagation de la doctrine éphémère
est révolu. Seuls Tendai et Dengyô étaient capables de la propager. Or, tous
deux sont entrés dans l’extinction. Nichiren a saisi le temps. Ne doit-il pas
propager la doctrine originelle dont il a reçu la transmission ? La prédisposition,
l’enseignement et le temps de l’éphémère et ceux de l’originel sont très
différents.
Question :
Nichiren est-il le seul à savoir cela ? Réponse : “Vasubandhu,
Nagarjuna voyaient clairement à l’intérieur (d’eux-mêmes)”. Le grand maître
du Tendai disait : “ la dernière période de cinq cents ans sera
largement humectée par la voie merveilleuse”. Le grand maître Dengyô disait :
“ La Rectitude et la Semblance sont déjà passées et terminées. La Fin du
Dharma est extrêmement proche. C’est véritablement le temps, à présent, de
la prédisposition au véhicule unique de la fleur du Dharma. Comment peut-on le
savoir ? Le chapitre des Pratiques aisées indique: « Dans l’ère
finale, lorsque le Dharma disparaîtra… »”. Ces maîtres des traités, ces maîtres hommes savaient que
la période de luttes et de débat que sera la Fin du Dharma, sera le temps où
le (bodhisattva) sortira de terre pour propager Nam Myôhôrengekyô, cœur
essentiel de la doctrine originelle. Ils en soupiraient, c’est pourquoi, ils
disaient de tels commentaires. En ce qui concerne l’éveil dès ce corps, la
doctrine éphémère en est la porte d’entrée. La doctrine originelle en
exprime la signification véritable. Les hommes qui obtinrent la voie grâce à
la doctrine éphémère obtinrent l’éveil par la graine catégorielle ou la
graine relative. Dans les deux cas, la signification véritable n’existe que
dans le chapitre Durée de la vie de la doctrine originelle. C’est pourquoi,
constamment, vous devez faire l’observation de la pensée en vous appuyant sur
ce point. Ce sera l’observation juste.
Alors que de tels
excellents hommes des temps anciens étaient embarrassés par l’éveil dès ce
corps, que vous, une femme,
m’interrogiez sur une telle doctrine n’est pas ordinaire. Le vénéré
Shakya aurait-il pénétré votre corps ?Avez-vous pris la relève de la
fille du roi des Dragons ? Ou bien la femme (nommée) Gautami serait-elle
revenue ? Je ne le sais pas. Vous appréciez la lune de l’éveil de la lumière
paisible en dissipant les nuages des cinq obstacles. Je vous en dirai encore
d’avantage.
Le cinquième jour du
dixième mois de la troisième année de Kôan[i]
Nichiren paraphe
Réponse à Dame Myôichi
Sermon
de Nikken Shônin
67e
Grand Patriarche de l’école Nichiren Shôshû
Le thème principal de ce Gosho est la doctrine de
« devenir Bouddha dès ce corps » (j. sokushin jôbutsu). Comme vous l’avez constaté à l’écoute, il
est particulièrement complexe. Pour cette raison, il vous sera peut-être
difficile d’en comprendre parfaitement le sens. En tout état de cause, je
vais faire mon possible pour que vous le compreniez ne serait-ce qu’un peu.
Je vais d’abord parler de la femme à qui ce
Gosho a été adressé, appelée dame Myôichi. Il y avait une autre personne
dont le nom était similaire, qui était la nonne Myôichi. Deux Réponse à
nonne Myoichi subsistent à ce jour. Il existe aussi deux Réponse à
Dame Myôichi, traitant toutes deux de la doctrine de « devenir
Bouddha dès ce corps ». La première est quelque peu longue, la seconde,
que j’ai lue aujourd’hui est, comparativement, plus courte.
Certaines thèses voient en dame Myôichi et nonne
Myôichi une seule et même personne. D’autres considèrent qu’il
s’agissait de deux personnes distinctes. En fait, on ne connaît pas vraiment
la vérité à ce sujet. De plus, avec le temps, les documents témoins
disparaissant, il devient alors de plus en plus difficile d’affirmer ou
d’infirmer l’une ou l’autre hypothèse. Il existe malgré tout des écrits
historiques, tels l’Histoire des origines des disciples ou la Chronique
des Bouddha et patriarches[ii]
qui proposent diverses hypothèses, de sorte que, finalement, rien n’est clair.
Selon la Chronique des Bouddha et patriarches,
la nonne Myôichi aurait été l’épouse d’Indô Jiro Saemon no Jô Suketeru,
qui vivait à Shimôsa et son nom aurait été Dame Sajiki. Cette dernière fut
la sœur aînée de Nisshô, le plus ancien des moines aînés et mère de
Nichirô, un autre moine aîné. Par contre, Dame Myôichi aurait été la fille
de Toki Jônin, Dame Oto, sœur cadette de Nitchô. En tout état de cause, en
ce sens où cette femme reçut des orientations sur cette très importante
doctrine de l’éveil dès ce corps, directement de Nichiren Daishônin, on
peut penser que c’était une personne dotée d’une très profonde
connaissance des enseignements.
A
présent, je vais commenter cette lettre par sections.
Vers
la deuxième décade du mois de juillet dernier, j’ai commenté dans les
grandes lignes la doctrine de l’éveil dès ce corps selon le Shingon et selon
le Lotus.
Vers la mi-juillet de la même année, Nichiren
Daishônin avait déjà donné de larges orientations sur la doctrine de l’éveil
dès ce corps.
Sans
doute que par la suite, vous avez utilisé uniquement l’éveil dès ce corps
selon le Sutra du Lotus. Si ce n’est pas le cas, ce sera, comme pour les gens
de notre époque, l’éveil dès ce corps sans obtenir la voie.
A l’époque de Nichiren Daishônin, les écoles
parlant de devenir Bouddha dès ce corps étaient nombreuses. Parmi elles,
particulièrement le Shingon (Formules incantatoires[iii])
utilisait cette doctrine. Aussi, dans sa précédente lettre, Nichiren Daishônin
écrivait que seul le Sutra du Lotus exprimait la véritable doctrine de
l’éveil dès ce corps, alors que celle des Incantations sacrées représentait
une grave erreur. Il écrivait en l’occurrence : “je pense que vous
m’avez cru et que vous pratiquez le Sutra du Lotus. Mais si, au contraire,
vous avez oublié ce sutra et que votre cœur est captivé par l’éveil dès
ce corps d’autres sutras ou d’autres écoles, vous n’obtiendrez jamais la
voie”.
Or, à la suite, nous lisons :
Cela
m’inquiète.
Peut-être que Dame Myôichi fut incapable de
renvoyer une réponse exprimant sa conviction vis-à-vis de Nichiren Daishônin.
Ou bien, la doctrine de l’éveil dès ce corps étant extrêmement profonde et
le monde rempli d’interprétations erronées, Nichiren Daishônin était
inquiet à son sujet et se demandait si elle avait réellement compris, bien
qu’il lui ait octroyé l’enseignement orthodoxe.
Vous
devez lire avec toute votre attention la doctrine que je vous ai écrite
l’autre jour.
Il donne ici ses premières paroles d’exhortation.
La
doctrine appelée « devenir Bouddha dès ce corps », tous les
savants reconnus de ce monde, la considèrent comme l’affaire la plus
importante
Tous les savants du monde font de grands efforts
dans l’étude de la doctrine de l’éveil dès ce corps et font de
minutieuses recherches.
En
particulier, mes disciples doivent uniquement prêter attention à cette
question, en laissant toute autre de côté.
Devenir Bouddha dès ce corps étant la chose la plus importante dans le cadre de la pratique, les disciples de Nichiren Daishônin doivent y réfléchir avec soin, quitte à laisser de côté le reste.
Depuis
la cinquième année de Kenchô jusqu’à présent cette troisième année de Kôan,
pendant vingt-sept ans, les doctrines dont j’ai parlé dans tous les lieux où
je me suis trouvé sont nombreuses, cependant, leur finalité se résume à cela.
Nichiren Daishônin dit clairement ici que le sens
fondamental du Sutra du Lotus qu’il prône, réside dans la doctrine de
l’éveil dès ce corps.
Or, j’émets quelques doutes quant au passage “Depuis
la cinquième année de Kenchô jusqu’à présent cette troisième année de Kôan,
pendant vingt-sept ans”. En effet, l’original de cette Réponse à
Dame Myôichi, de la main de Nichiren Daishônin, n’existe plus. Il n’y
a d’ailleurs que très peu d’originaux des Gosho. La plupart ont été
perdus. Les écrits de Nichiren Daishônin ont donc été transmis par
l’intermédiaire de retranscriptions ou de publications, ces dernières étant
elles-mêmes issues de retranscriptions. Finalement, retranscriptions ou
publications, à partir du moment où il ne s’agit pas des originaux, des
erreurs sont susceptibles de s’être glissées lors de la duplication.
C’est pourquoi je pense que “vingt-sept” devait en fait être “vingt-huit”. Le chiffre “vingt-sept” apparaît dans
d’autres écrits et peut être que la personne qui a retranscrit celui-ci,
s’est trompée par inattention. Par exemple, dans Les difficultés du Saint,
nous lisons :
“Face
au sud, dans le sanctuaire du Bouddha du pavillon de tous les Bouddha du temple
appelé Seichôji, à l’heure du cheval, j’ai parlé pour la première fois
de cette doctrine. Cela fait à présent vingt-sept ans en cette deuxième année
de Kôan, année du lièvre, signe de terre cadette”.
Par
contre,
dans
la
Remontrance à
Hachiman,
il écrit :
“Moi,
Nichiren, depuis le vingt-huit avril de la cinquième année de Kenchô, année
du bœuf signe d’eau cadette, jusqu’à ce mois de février de la troisième
année de Kôan, année du dragon, signe de métal aîné, pendant vingt-huit
ans…”.
L’original de cet écrit subsiste au temple principal. Il
s’agit d’un texte écrit la même année, troisième année de Kôan (1280)
que la Réponse à Dame Myôichi et comme il y est clairement indiqué
“vingt-huit ans”, on peut avancer, à partir de ce point, que l’original
mentionnait “vingt-huit ans” et qu’au fil des retranscriptions
et
des publications, c’est le chiffre “vingt-sept” qui a été transmis.
Je laisse ce point de côté. En tout cas, pendant vingt-sept
ans, Nichiren Daishônin a enseigné de ci et de là de nombreuses doctrines.
Cependant, pouvoir ou non devenir Bouddha dès ce corps représentait le
fondement principal de l’enseignement, enseignement qui se résume à cet
unique point.
Les caractères “sokushin jôbutsu” signifient littéralement
“l’éveil du corps”. Du point de vue de “shiki shin” (corps et esprit),
corps se rapporte à la matière et esprit au cœur. Je pense que l’on peut
comprendre le mot “corps” de l’expression “devenir Bouddha dès ce corps”
comme étant la synthèse des deux lois du corps et de l’esprit. Dès lors,
c’est notre propre corps et l’ensemble de notre vie qui, tels quels,
deviennent Bouddha. Peut-être certains d’entre vous ne comprennent-ils pas
bien ce que cela implique.
Le passage commençant par
“Parmi les savants de ce monde” et
se terminant par
“c’est une doctrine largement inférieure à l’obtention du degré de
l’endurance de son corps vivant” explique que, du point de vue de la vaste et juste logique du
bouddhisme, les gens du Shingon désignent par l’éveil dès ce corps, un éveil
parcellaire des bodhisattva enseigné dans des enseignements constituant des
moyens.
Parmi
les savants de ce monde, ceux de la lignée du Shingon considèrent que
l’abhiseka célébrant l’intronisation des bodhisattva de l’enseignement
particulier, dans les trois sutras dont le Sutra du Grand soleil, incorporés
aux quatre saveurs, trois enseignements prêchés par le vénéré Shakya, est
l’ultime éveil dès ce corps..
Nichiren Daishônin donne dans ce passage la
conclusion la plus fondamentale.
Les enseignements du Shingon sont des enseignements
absurdes. Premièrement, ce n’est pas le vénéré Shakya qui a enseigné le Sutra
du Grand soleil[iv]. Il est dit, en effet,
que c’est l’Ainsi-venant Mahavairocana
(j. Dainichi = Grand soleil). Or, nul ne sait où est né cet Ainsi-venant
Mahavairocana. Il n’a ni père, ni mère. Il est le Bouddha au corps de
Dharma. Son corps est l’univers. Or, s’il a l’univers pour corps, il n’y
a pas de raison que ce Bouddha puisse prêcher. Or, dans le Shingon, on affirme
qu’en réalité, il y a le sermon du corps de Dharma, chose complètement
absurde. Le Sutra du Grand soleil, le Sutra de la Couronne de diamant[v]
et le Sutra de l’Acte de perfection[vi],
dits avoir été enseignés par l’Ainsi-venant Mahavairocana constituent les
trois sutras soutenant les doctrines du Shingon.
Le grand maître du Tendai naquit en Chine. Il établit
une logique au sein des cinq mille, voire sept mille volumes des sutras traduits
en chinois, en centrant son analyse sur les paroles et l’esprit du vénéré
Shakya. Il établit ainsi ce que l’on nomme une classification de l’aspect
doctrinal des enseignements, à travers laquelle il éclaircit, par exemple, que
la signification du Sutra de l’Ornementation fleurie était telle,
qu’il avait été exposé à tel moment, que la signification des Sutra Agama
était telle, que celle des Sutras aux doctrines diverses était telle,
et ainsi de suite pour chaque sutra. Pour finir, il démontra que le Sutra du
Lotus exposait la vérité, dans le sens où il englobe l’intégralité
des autres sutras, ceux-ci ayant été enseignés à titre de moyens pour amener
au Sutra du Lotus. En fait, en reconsidérant tous les sutras à partir
du Sutra du Lotus, Zhiyi s’aperçut qu’ils étaient tous imparfaits,
dans la mesure où leur contenu représentait chacun une petite partie du
contenu du Sutra du Lotus, enseignée à titre d’expédient. Il put
ainsi établir un jugement, une classification précise et correcte de l’intégralité
des enseignements de Shakyamuni, à partir du Sutra du Lotus.
Les gens d’aujourd’hui, y compris les moines
des autres écoles ne savent absolument rien de cela. Les japonais, ignorants
ces choses, pensent que si un moine veut bien lire n’importe quel sutra
c’est bien et que sans doute, grâce à çà, leurs défunts sont devenus
Bouddha. C’est dans ce phénomène que l’on peut saisir le degré
d’ignorance du bouddhisme de la part des japonais.
Or, les sutras du Shingon sont parvenus en Chine,
après le décès de Zhiyi qui avait achevé son immense travail. S’ils
avaient été importés en Chine avant que le grand maître du Tendai ne décède,
celui-ci aurait sans doute déterminé à quelle partie des enseignements du vénéré
Shakya ils se rattachent ; s’ils étaient des moyens, de quel groupe de
moyens ils font partie. Or, il est mort sans avoir fait cette analyse. Pour
cette raison, lorsque les sutras du Shingon furent introduits en Chine, la
confusion s’installa. Toutefois, les deuxième[vii]
et troisième[viii] successeurs de Zhiyi, héritiers
de sa logique orthodoxe, surent déterminer où classer les sutras du Shingon.
C’est le sens de la phrase lue tout à l’heure :
“incorporés aux quatre saveurs, trois enseignements prêchés par le vénéré
Shakya”.
Les “trois
enseignements” sont les enseignement représentant des moyens que sont les
enseignements des corbeilles, les enseignements communs et les enseignements
particuliers au sein des quatre enseignements développés par Zhiyi. Si les
quatre enseignements se rapportaient à un
médicament, ils en seraient le goût et la composition. Quant aux “quatre
saveurs”, elles symbolisent les sutras antérieurs au Lotus,
c’est-à-dire Ornementation fleurie, Agama,
Doctrines diverses et Sagesse. Hormis les Sutras Agama,
tous contiennent également l’enseignement parfait du Grand véhicule. Il ne
s’agit cependant pas de la “parfaite perfection”, mais de la perfection
dans laquelle viennent se mêler les enseignements des corbeilles, communs et
particuliers.
En fait, le Bouddha voit dans leur globalité la
causalité et la prédisposition de chaque être et donne un enseignement
approprié à chacun dans la perspective de le guider. C’est pour cette raison
que divers moyens furent enseignés. Ainsi, c’est après avoir établi trois
paliers, représentés en fonction de leur contenu par les enseignements des
corbeilles, communs et particuliers, qu’il révéla l’enseignement parfait,
contenant les doctrines exprimant l’éveil profond du Bouddha.
Les enseignements particuliers sont différents des
enseignements précédents (corbeilles et communs) et suivant (parfait). Les
parcours de leurs pratiques sont également différents. La raison pour laquelle
leurs pratiques sont différentes est que nos illusions proviennent de notre
attachement aux choses. Pour se débarrasser de ces attachements, il existe le
grand principe présent dans toute chose et phénomène de ce monde qu’est la
« vacuité ». Aussi, le Bouddha enseigna-t-il en premier la vacuité.
Vous penserez peut-être qu’il aurait pu dès le début enseigner la
perfection. Cependant, s’il l’avait enseignée directement aux hommes, ils
s’y seraient au contraire opposés et n’auraient pu obtenir l’éveil.
C’est pourquoi il enseigna d’abord la vacuité. Dès lors, pour s’éveiller
en analysant toutes les choses et phénomènes, il fallait pratiquer de toutes
ses forces la vacuité. Mais pour que les auditeurs des enseignements des
corbeilles parviennent à la réalisation de cette pratique, il leur fallait une
durée extrêmement longue de trois grands éons incommensurables.
Si les enseignements des corbeilles développent la
vacuité telle quelle, les enseignements communs, eux, se situent à un niveau
plus élevé, en enseignant une vacuité qui sous-entend déjà une ouverture
vers la voie du milieu. Mais là encore, sans une longue pratique qui dépasse
largement les poussières d’éons, on ne peut pas y avoir accès.
Mais ce n’est pas encore suffisant. Pour ouvrir véritablement
l’éveil, il faut dès lors guider les êtres, c’est-à-dire pénétrer dans
la pratique de la « conditionnalité », en affrontant le problème
de la réalité, afin de passer de la pensée ne n’attachant qu’à la vacuité
par laquelle on ne tient pas compte de la causalité présente, au plus profond
de notre cœur. Cette ascèse demande encore une infinité d’éons.
Le passage du Gosho que j’évoque à présent
traite du processus et indique la condition des bodhisattva des enseignements
particuliers, une fois qu’ils sont passés de la « vacuité » à
la « conditionnalité » et qu’ils tentent à présent d’entrer
dans la « médianité », pensant que “l’abhiseka[ix]
célébrant l’intronisation (…) est l’ultime éveil dès ce corps”.
Il
s’agit en fait de l’attestation de l’obtention de la terre de la joie par
les bodhisattva des dix degrés de transfert parmi les sept degrés.
Les sept degrés sont les dix degrés de foi, les
dix degrés de station, les dix degrés de pratique, les dix degrés de
transfert, les dix degrés de terre, l’éveil égal et l’éveil merveilleux,
enseignés également dans les enseignements particuliers. Du premier degré de
foi, au deuxième, troisième, jusqu’au dixième degré de foi, les
bodhisattva pratiquent la vacuité que j’évoquais tout à l’heure, de manière
à dominer les égarements des vues et les égarements de la pensée. Les égarements
des vues représentent la manière de penser perturbée des gens
d’aujourd’hui, tournant autour de la pensée de l’existence du moi, des
vues hérétiques et ne tenant pas compte de la causalité. Quant aux égarements
de la pensée, il s’agit des désirs passionnels dus à la cupidité, la colère,
la stupidité et l’orgueil, incluant les désirs basés sur les mauvaises
passions, tels la soif d’argent, la soif de relations sexuelles et autres.
Certains aspects du malheur étant provoqués par ces désirs, les dix degrés
de foi proposent de détruire ces derniers en pratiquant radicalement la vacuité.
Les dix degrés de foi permettent de mettre à bas
les égarements des vues et ceux de la pensée et de pénétrer dans les dix
degrés de station où ils s’attaquent à l’interruption des égarements
dits “des poussières”. A l’étape suivante, les dix degrés de pratique,
ils interrompent les égarements des poussières. Au degré des dix transferts,
ils contrôlent l’égarement de l’obscurité qu’ils interrompent au niveau
des dix degrés des terres.
Autrement dit, “il
s’agit en fait de l’attestation de l’obtention de la terre de la joie par
les bodhisattva au septième degré, celui des dix degrés de transferts” signifie
que les bodhisattva au niveau des dix degrés de transfert progressent vers le
premier des dix degrés de terre, “la
terre de la joie”. Le Shingon nomme “devenir Bouddha dès ce corps” la
condition de l’attestation de l’éveil après avoir interrompu l’égarement
de l’obscurité. Il ne s’agit toutefois que du commencement de l’éveil de
principe à la voie du milieu et nullement du degré de l’éveil dès ce corps
de l’enseignement parfait énoncé par le Bouddha selon son éveil véritable.
C’est pourquoi, Nichiren Daishônin écrit :
Il
ne s’agit nullement de la doctrine de l’éveil dès ce corps de
l’enseignement parfait.
Pour dire les choses simplement, les enseignements
du Shingon entrent tous dans le cadre des enseignements communs et, même si un
peu des enseignements parfaits y sont également présents, les expédients que
sont ceux des corbeilles et communs, y sont également. Aussi, les fonctions de
la perfection véritable ne s’y expriment pas. Dès lors, finalement,
puisqu’il s’agit des enseignements particuliers, ce n’est pas de la boddhéité
de l’enseignement parfait. Aussi, c’est par paliers, durant très longtemps,
que l’éveil s’ouvre, peu à peu, après de longues et diverses pratiques
durant de nombreux éons incommensurables, au cours de nombreuses vies.
Même
si l’on objecte que c’est dans le sutra, les œuvres et vertus attestant de
la pratique de la joie sont déterminées en fonction de la condition (des
bodhisattva).
La « pratique
de la joie » désigne le premier des dix degrés de pratique des
bodhisattva. Il s’agit d’un niveau où les bodhisattva commencent seulement
à interrompre les égarements des poussières. Ce niveau n’est donc pas aussi
élevé que les dix degrés de transfert et si l’on parle d’éveil, ça ne
va pas plus loin et, en définitive, ce n’est pas différent des pratiques
effectuées au cours de nombreuses vies.
Il
s’agit uniquement de la pratique de la cause par les bodhisattva des dix degrés.
Les bodhisattva à partir des dix terres jusqu’à l’éveil égal ignorent
les effets.
Il s’agit en fait des fonctions et des pratiques
des bodhisattva dans leur processus de progression à partir des dix degrés de
foi, dix degrés de station, dix degrés de pratique, dix degrés de transfert,
jusqu’aux dix degrés de terre, au sein des enseignements particuliers. En
fait, les enseignements particuliers professent une voie du milieu distante des
deux extrémités que sont la vacuité et la conditionnalité. Pour finir,
lorsqu’ils ouvrent les yeux sur l’identité de la vacuité, de la
conditionnalité et de la médianité, principe de l’enseignement parfait représentant
la véritable voie du milieu, il n’y a plus de Bouddha des enseignements
particuliers, mais ils pénètrent dans l’enseignement parfait. C’est
pourquoi, Nichiren Daishônin écrit : “qui
ignorent l’effet des dix terres et de l’éveil égal”.
Au degré des dix terres, les mauvaises passions de
l’obscurité sont interrompues. Toutefois, pour interrompre les mauvaises
passions de l’obscurité, on passe de la vacuité à la conditionnalité, puis
de la conditionnalité à la voie du milieu. L’interruption des mauvaises
passions de l’obscurité prend la forme de l’éveil à la voie du milieu. Or,
s’agissant de moyens, au moment où l’on a interrompu les mauvaises passions
de l’obscurité et que l’on atteste réellement de la voie du milieu, il ne
s’agit déjà plus là des enseignements particuliers. En effet, c’est parce
que si l’on parvient au premier degré de terre, après, on pénètre à
l’intérieur de l’enseignement parfait. C’est pourquoi, le premier degré
de terre n’est qu’un nom et les bodhisattva du deuxième degré de terre à
ceux de l’éveil égal, disparaissent. Pour cette raison, les êtres des dix
degrés de terre et de l’éveil égal ne connaissent pas l’effet de l’état
de vie du Bouddha.
Ensuite, la partie suivante définit encore une
fois le niveau auquel se situe l’aspect de la pratique pour devenir Bouddha dès
ce corps dans le Shingon, du point de vue des enseignements parfaits.
Si
j’en parle de façon strictement rigoureuse, avec l’esprit de
l’enseignement parfait, (cet éveil dès ce corps) est semblable à la Une
pensée des identités de dénomination et de contemplation au sein des six
identités
Il existe six degrés[x]
du point de vue du profond et élevé enseignement parfait. Ce sont :
l’identité de principe[xi],
l’identité de dénomination[xii],
l’identité de contemplation[xiii],
l’identité d’analogie[xiv],
l’identité de la réalité fractionnelle[xv]
et l’identité ultime[xvi].
Si l’on considère l’éveil dès ce corps énoncé par le Shingon, à partir
de ces éléments, il ne dépasse pas la Une pensée du débutant, se situant au
plus à l’identité de dénomination, voire au degré suivant, l’identité
de contemplation.
Et
si l’on en parle avec moins de rigueur, il s’agit alors de la fusion
harmonieuse du factuel et du principiel de l’identité de contemplation, et
non pas de la contemplation du principe par la sagesse.
Même si l’on admet que la Une pensée se situe
au degré de l’identité de contemplation, il ne s’agit que de la fusion
harmonieuse du principe et de la réalité et non pas de la contemplation dans
laquelle il y a harmonie entre le principe (observé) et la sagesse (observant).
Précisons ce que signifie « fusion
harmonieuse du factuel et du principiel » (j. ji
ri wayû). Lorsque vous observez l’aspect du monde, vous voyez que,
lorsque l’automne arrive, les feuilles des arbres se colorent, puis, avec
l’arrivée de l’hiver, progressivement, elles tomberont. En voyant
l’aspect, la forme d’un tel phénomène, vous comprenez que l’automne est
arrivé. Une fois que vous savez cela, vous comprenez qu’au cours d’une année,
le printemps, l’été, l’automne et l’hiver se succèdent en boucle. Vous
comprenez alors le principe du changement circulaire. En ce sens où l’on
constate un phénomène (factuel) et que l’on y voit le principe (principiel),
on peut prendre des exemples un peu plus élevés et, en ce qui concerne la
doctrine de l’enseignement parfait, il y a la fusion harmonieuse du factuel et
du principiel. Mais même dans ce cas, ça ne vas pas plus loin. Autrement dit,
si l’on fait une distinction entre la subjectivité et l’objectivité, l’éveil
dès ce corps du Shingon n’est rien d’autre que la contemplation de la
fusion harmonieuse au sein de l’objectivité. A l’opposé, la « contemplation
dans laquelle le principe et la sagesse sont conforme l’un à l’autre »
(j. ri e sôô) va plus loin, en ce
sens que de là, apparaît la véritable sagesse avec laquelle le bodhisattva va
percevoir l’aspect véritable. Autrement dit encore, le niveau de la « contemplation
dans laquelle le principe et la sagesse sont conformes l’un à l’autre »
est plus élevé.
Même
en se référant au Traité sur l’aspiration à l’éveil ou aux trois sutras
du Sutra du Grand soleil, ce n’est nullement l’éveil dès ce corps
Dans le Traité sur l’aspiration à l’éveil[xvii]
il est écrit :
“La
raison pour laquelle l’éveil dès ce corps réside uniquement dans
l’enseignement du Shingon est qu’il prêche l’enseignement de la samadhi[xviii].
Cette pratique n’est pas écrite et manque dans les autres sutra”
Nagarjuna aurait été l’auteur de cet
enseignement. Moi, je ne le pense pas. Je pense plutôt que ce serait
Amoghavajra qui l’aurait écrit de sa propre initiative en empruntant le nom
de Nagarjuna. Il existe de nombreux exemples similaires.
Quant au Sutra du Grand soleil (j. dainichi
kyô), certes, il s’agit d’un sutra, dans lequel on peut lire, par
exemple :
“Sans
abandonner ce corps, il appréhende la faculté transcendantale en regard des
objets extérieurs, il marche au degré de la grande vacuité et son corps réalise
le secret”.
Ce passage est celui où Mahavairocana, le corps de
Dharma, enseigne une partie de l’enseignement parfait. Cependant, il contient
également des moyens, en ce sens où les enseignements particuliers sont également
présents. En effet, si les doctrines de l’enseignement parfait étaient
clairement présentes, cela impliquerait l’attestation de la boddhéité dès
ce corps et donc, que des hommes soient réellement devenus Bouddha dès ce
corps. Or, nulle part dans le Sutra du Grand soleil, il n’est question
d’êtres qui aient réellement réalisé l’éveil dès ce corps. On y trouve
seulement des expressions comme “c’est l’enseignement secret”, ou “il
a obtenu les cinq pouvoirs[xix]”,
qui concernent l’Ainsi-venant Mahavairocana ou le bodhisattva Couronne de
diamant. Toutefois, comme l’indique ici Nichiren Daishônin, il n’y a
absolument pas, dans ce sutra, la signification de l’éveil dès ce corps.
C’est pourquoi, il écrit : “ce
n’est nullement l’éveil dès ce corps”.
C’est
une doctrine largement inférieure à l’obtention du degré de l’endurance
de son corps vivant.
Obtenir l’éveil de la voie du milieu, appelé
l’endurance de son corps vivant, c’est-à-dire de notre corps, tel quel,
obtenir l’endurance au regard de la nature non-produite de toute existence se
situe, dans l’enseignement parfait, à l’éveil du premier degré de station.
Autrement dit, dans l’enseignement parfait, les œuvres et vertus de la
destruction de l’obscurité fondamentale s’opèrent à partir du premier des
dix degrés de station. L’éveil dès ce corps des enseignements du Shingon
est grandement inférieur à celui d’un pratiquant de l’enseignement parfait,
même si ce dernier est encore au milieu de sa pratique.
Ainsi,
mystifiés par les phrases du Traité sur l’aspiration à l’éveil affirmant
que l’éveil dès ce corps se trouve uniquement dans l’enseignement du
Shingon, les gens de ce monde pensent que devenir Bouddha dès ce corps ne se
limite qu’à l’école du Shingon
Dans le Traité sur l’aspiration à l’éveil,
attribué à Nagarjuna, il y a la phrase : “l’éveil
dès ce corps réside uniquement dans l’enseignement du Shingon”. Cette
phrase est une véritable imposture. Pourtant, les gens du monde l’ont crue
facilement et pensent que devenir Bouddha dès ce corps se limite à l’école
du Shingon.
Récemment, un livre a été publié par l’école
du Shingon pour expliquer l’éveil dès ce corps selon cet enseignement. Tout
en disant diverses choses, à la fin, ils admettent que devenir Bouddha dès ce
corps par le Shingon est une pratique tout à fait particulière, dont la réalisation
n’est possible que pour des personnes tout à fait exceptionnelles. C’est écrit
noir sur blanc. Des personnes normales ne peuvent pas y parvenir. Ils ne
pouvaient faire autrement que de le dire honnêtement. Même s’il est facile
de parler de Mudra[xx]
et de Mantra[xxi],
la vérité est qu’il y en a une très grande quantité. Si on ne les apprend
pas, on ne peut pas devenir Bouddha dès ce corps. S’il en est ainsi, personne,
même pas peut-être les moines du Shingon, ne peut devenir Bouddha dès ce
corps dans la période de la Fin du Dharma. De plus, étant un enseignement représentant
des moyens, il n’y a pas de raison de le réaliser.
“Penser
que devenir Bouddha dès ce corps se limite au Shingon”
est une grave erreur.
Et pourtant :
Ils
disent que le Sutra du Lotus, qui prêche de manière correcte l’éveil dès
ce corps, est une plaisanterie
Alors que le Sutra du Lotus, lui, enseigne
le véritable éveil dès ce corps, ils le considèrent comme une blague mensongère.
Kôbô Daishi[xxii] critiqua le Sutra du
Lotus, le situant au troisième rang et définissant le Shingon comme
l’enseignement véritable.
A ce sujet, Nichiren Daishônin cite l’Arrêt
et examen de Zhiyi.
Le
cinquième volume de l’Arrêt et examen indique : « Par exemple, même
celui qui est dégoûté du monde se complait dans un véhicule vulgaire et
s’accroche aux branches et aux feuilles.
Autrement dit, même celui qui, fatigué des vaines
turpitudes du monde, éveille son aspiration à la boddhéité et se dirige vers
l’éveil correct, à cause de ces enseignements fallacieux, “il se complait dans le vulgaire”, autrement dit, il
affectionne des enseignements extrêmement bas, tels ceux du Shingon, aux
branches desquels il grimpe et dont il bâfre les feuilles.
Nous lisons ensuite :
Le
chien s’habitue au serviteur,
Prenons par exemple un directeur d’entreprise qui
a un chien. Trop occupé par ses affaires, il n’a pas même le temps de lui
donner à manger et confie cette tâche à un domestique. Le chien alors
s’habitue au serviteur et ne reconnaît plus son maître. Il aboie après lui,
parfois le mord. Cette situation définit le contraire de ce qui devrait
normalement se passer.
On
respecte un babouin comme si c’était Taishaku, on vénère un caillou pensant
que c’est un joyau.
Ces deux exemples ont le même sens que le précédent.
L’homme stupide se trompe en voyant un être rusé, tel un singe et, le
prenant pour Taishaku, le vénère. Ou bien, il prend un caillou ou une pierre
pour un joyau. En prenant l’exemple de ces grossières erreurs, Nichiren Daishônin
les applique aux doctrines hérétiques du Shingon.
Comment
de tels hommes, plongés dans l’obscurité peuvent-ils enseigner la voie » ?
C’est la même chose
Autrement dit, des hommes dont le cœur est obscur
comme les ténèbres, qui n’ont pas la moindre clarté, c’est-à-dire qui ne
comprennent rien à la logique de la voie ne peuvent pas débattre de l’éveil
dès ce corps. Cette phrase de l’Arrêt et examen est tout à fait
juste.
Quelle
tristesse que les savants de l’Ornementation fleurie, des Incantations sacrées
et de l’Aspect des dharmas, perdent leur temps en vain et s’écartent de la
doctrine de l’éveil dès ce corps.
Les érudits du Kegon, du Shingon et du Hossô
parlent effectivement de devenir Bouddha dès ce corps. On en parle dans le
Kegon et parfois dans le Hossô. C’est toutefois dans le Shingon qu’on en
parle le plus. Cependant, ni les uns ni les autres n’expriment la véritable
doctrine de l’éveil dès ce corps. La preuve en est, comme nous l’avons vu
tout à l’heure, que nulle part, dans leurs enseignements, on ne trouve la
preuve manifeste que quelqu’un soit devenu Bouddha dès ce corps. Dès lors,
ce ne sont que des fanfaronnades théoriques, dont le contenu incluant les
enseignements particuliers ne représentent pas le véritable enseignement
parfait et ne présentent pas la preuve de l’éveil dès ce corps dans la réalité.
Dans cette seconde moitié, Nichiren Daishônin développe clairement la doctrine de l’éveil dès ce corps selon le Sutra du Lotus.
En
premier lieu, la doctrine de devenir Bouddha dès ce corps selon le Sutra du
Lotus est attestée par la fille du Roi des Dragons.
Dans le Sutra du Lotus, l’éveil de la
fille du roi des Dragons constitue la preuve manifeste de l’éveil dès ce
corps. Vous avez tous entendu
parler de la logique, de l’attestation scripturaire et de la preuve manifeste.
Dans les sutra, il n’y a pas que la doctrine exprimée par l’attestation
scripturaire, la preuve manifeste également est énoncée. La fille du roi des
Dragons, elle, est la preuve manifeste évidente de la boddhéité dès ce corps.
Le
chapitre Devadatta dit : “En l’espace d’un instant réaliser l’éveil
correct”. Il dit encore : “Elle se transforma et devint un homme[xxiii]”.
Il énonce encore “elle se dirigea vers le monde immaculé en direction du sud”.
Ces trois citations sont extraites du chapitre
« Devadatta ». Elles expliquent comment la fille du roi des Dragons
devint Bouddha. Elle vivait dans l’océan et pendant très longtemps, elle
entendit l’enseignement du Sutra Myôhôrengekyô de la bouche du
bodhisattva Manjuçri et pratiqua. Pour répondre au doute du bodhisattva
Accumulation de sagesse[xxiv],
elle se rendit dans les airs, afin d’honorer le vénéré Shakya et montra la
preuve manifeste de son éveil dès ce corps.
En fait, la fille du roi des Dragons offrit un
joyau au vénéré Shakya. Ce dernier l’accepta et
le prit. Alors, la fille du roi des Dragons dit : “J’ai sur
l’heure, donné un joyau au vénéré Shakya. Il l’a accepté. Est-ce que
vous l’avez vu” ? Elle posait cette question à Accumulation de sagesse
et à Shariputra. Ceux-ci répondirent : “Effectivement, le vénéré
Shakya a bien reçu ce joyau”. Alors, elle leur dit : “Utilisez vos
pouvoirs divins pour contempler mon éveil”.
Shariputra entre en scène en de nombreux passages
du chapitre des « Moyens », mais déjà, avant d’arriver au Sutra
du Lotus, il avait obtenu le pouvoir de détruire toutes les mauvaises
passions et était devenu un arhat[xxv]
doté des six pouvoirs transcendantaux[xxvi].
Ce sont des pouvoirs tout à fait au de là des capacités des êtres de la Fin
du Dharma. Grâce à ces pouvoirs, Shariputra et Accumulation de sagesse purent
voir la fille du roi des Dragons devenir Bouddha dès ce corps. Ainsi, c’est
dans le chapitre « Devadatta » du Sutra du Lotus qu’est
montrée la preuve manifeste que la fille du roi des Dragons réalisa (en
substance) l’éveil dès ce corps.
Le
grand maître Dengyô dit: “La fille du Roi des Dragons, qui enseigna
n’avait pas pratiqué pendant des éons ; les êtres à qui elle enseigna
non plus n’avaient pas pratiqué pendant des éons. L’enseignante comme les
enseignés n’ont pas pratiqué pendant des éons. Le pouvoir du Sutra du
Dharma merveilleux est de permettre de devenir Bouddha dès ce corps”.
Un éon représente une période de temps
extraordinairement longue. Il existe plusieurs paraboles sur les éons. Il y a
par exemple “l’éon du ponçage des pierres” (j. fusshaku
kô). Un de ces éons représente la durée nécessaire à un être céleste
pour réduire en poussière par frottement, les pierres couvrant une surface de
quatre-vingt mille lieues au carré, en les caressant brièvement avec un tissus
fin, sachant qu’il descend du ciel une fois tous les trois ans. Il s’agit là
d’une durée extrêmement longue. Dans les sutra antérieurs au Sutra du
Lotus, il est enseigné que les pratiques effectuées pendant
“d’innombrables éons incommensurables” (j.
muryô asogi kô) ou “trois grands éons incommensurables” (j. san
dai asogi kô) permettent de hisser son propre état de vie à un certain
niveau déterminé au sein du Dharma du Bouddha.
Finalement, comme je le soulignais auparavant,
Nichiren Daishônin affirme que l’enseignement du Shingon est limité à la
pratique au degré des bodhisattva des enseignements particuliers. A partir de
ce constat, même si le Shingon parle de devenir Bouddha dès ce corps, ce ne
sont que de vains mots. En outre, il n’existe aucun témoignage de la preuve
manifeste d’éveil dès ce corps dans les sutra. Dès lors, force est de dire
qu’il s’agit encore de pratiques effectuées au cours de nombreux éons.
Par contre, dans le Sutra du Lotus, il est
enseigné que la fille du roi des Dragons, “l’enseignante” était un
animal de huit ans présentant, qui plus est, un aspect féminin et que pourtant,
grâce au pouvoir du sutra du Dharma merveilleux, en un instant, elle devint
Bouddha, telle quelle, sans changer d’apparence.
Ici, nous lisons : “La
fille du Roi des Dragons, qui enseigna n’avait pas pratiqué pendant des éons” ;
Dans son contexte, le chapitre « Devadatta » enseigne que lorsque la
fille du roi des Dragons se rendit dans le monde sans souillure, situé dans la
direction du sud, pour y montrer la preuve manifeste de son éveil dès ce corps
en enseignant le Dharma à de nombreux êtres, entendant ce Dharma, tous s’éveillèrent,
obtinrent la voie. C’est pourquoi, la fille du roi des Dragons était alors
l’enseignante, alors que les enseignés étaient les êtres qui, entendant
l’enseignement de la fille du roi des Dragons, obtinrent la voie.
L’enseignante comme les enseignés n’avaient pas pratiqué pendant des éons.
Cependant, grâce au pouvoir du Dharma merveilleux, ils devinrent Bouddha dès
ce corps.
Il
existe par ailleurs deux formes d’éveil dès ce corps dans le Sutra du Lotus :
la doctrine éphémère enseigne l’éveil dès ce corps principiel et la
doctrine originelle l’éveil dès ce corps factuel.
A
partir de ce passage, Nichiren Daishônin indique qu’au sein même du Sutra
du Lotus, il existe deux sortes d’éveil dès ce corps, celui de la
doctrine éphémère et celui de la doctrine originelle. La doctrine éphémère
se limite encore à une explication de la présence de la vie du Bouddha,
illimitée et libre chez tous les êtres du point de vue théorique du Dharma
merveilleux. Par contre, la doctrine originelle, elle, montre l’éveil dès ce
corps du point de vue de la réalité.
La distinction entre la doctrine éphémère et la
doctrine originelle est difficile à établir. Dans la doctrine originelle,
Shakyamuni enseigne son éveil véritable dans le passé lointain (j. kuon jitsujô). Jusqu’au prêche du chapitre « Durée de la
vie », les disciples du Bouddha crurent que celui-ci était simplement né
sous le nom du prince Siddharta et qu’après avoir quitté la demeure, il
avait ouvert l’éveil pour la première fois sous l’arbre bodhi de la ville
de Gaya, à l’âge de trente ans et qu’ensuite, il avait enseigné pendant
plus de quarante ans les sutra Ornementation fleurie, Agama,
Doctrines diverses, Sagesse et Lotus. Tous ces
enseignements furent développés par Shakyamuni en tant que Bouddha à l’éveil
premier (j. shijô shôkaku). La
doctrine éphémère du Sutra du Lotus, dont le chapitre des « Moyens »,
fut encore enseignée par Shakyamuni en tant que Bouddha à l’éveil premier.
Il ne révélait pas encore la vie infinie du Bouddha, ni la présence
permanente du corps du Bouddha. Dans le principe, l’existence dans toute chose
de la substance du Dharma merveilleux, ainsi que sa présence et sa fusion
mutuelles et profondes, sont enseignées sous la forme de l’aspect véritable
des dharma (j. shohô jissô) dans le
chapitre des « Moyens ». Il ne s’agit cependant là que de l’éveil
dès ce corps principiel (théorique). Tant que la doctrine originelle qui, pénétrant
plus loin, révèle la présence permanente de la vie du Bouddha, c’est-à-dire
que tous les êtres, tels quels, sans changer d’apparence, sont immédiatement
la vie du Bouddha ne fut pas révélée, il ne pouvait y avoir dans la réalité,
d’éveil dès ce corps factuel.
Concluant
que l’éveil dès ce corps de la doctrine originelle est l’identité du degré
actuel et de la merveille, sans modifier ce qui est à l’origine, on peut dès
lors appeler Ainsi-venant au triple corps sans artifice, présent à l’origine,
le corps de chair tel qu’il est.
A
présent, Nichiren Daishônin traite de l’éveil dès ce corps dans la
doctrine originelle. Le “degré
actuel” signifie qu’en réalité, la substance de la vie, quel que soit
son niveau, homme ou femme, âgé ou jeune, intelligent ou stupide, est telle
quelle la vie du Bouddha immuable à l’origine. C’est ce qu’enseigne le
chapitre « Durée de la vie ».
“Présent
à l’origine” signifie
“tel qu’à l’origine” ; qui n’a jamais varié depuis le passé.
C’est en ce sens qu’est enseigné l’Ainsi-venant au triple corps sans
artifice. L’expression “sans artifice” (j. musa)
est difficile à saisir. Il s’agit toutefois d’une notion importante. Le
contraire “de sans artifice” est “avec artifice” (j. usa) :
Si l’on ne comprend pas ce qui est “avec artifice”, finalement, on
ne peut comprendre ce qui est “sans artifice”.
“Avec artifice” signifie “ce qui est fabriqué”,
“ce qui est actionné”. Vouloir changer une chose, quelle qu’elle soit en
pensant que “ça ne va pas comme çà” représente déjà une action “avec
artifice”. Cela peut sans doute prêter à confusion, mais pratiquer l’ascèse
pendant longtemps tout en laissant travailler l’esprit à fond, représente
l’aspect de ce qui est avec artifices. Dans l’optique de guider les êtres,
le Bouddha enseignant une telle pratique se pare lui-même de la couleur de
l’or, des trente-deux signes et quatre-vingt marques distinctifs. Tout cela
est avec artifice. Il s’agit du Bouddha agissant avec artifices et du Dharma
avec artifices.
Au sein des quatre enseignements –corbeilles,
communs, particuliers et parfait, ce dernier représente le véritable éveil du
Bouddha, les autres, -corbeilles, communs et particuliers, sont des moyens, ce
sont des enseignements avec artifices. A l’opposé, l’enseignement parfait
représente le véritable éveil, tel quel, du Bouddha, dans lequel, toutes les
choses sont égales et libres. Chacune présente des vertus profondément
dignes.
Aujourd’hui, dans les sociétés démocratiques,
on parle de liberté, d’égalité, de dignité. Or, les gens d’aujourd’hui
ne comprennent pas ce que signifie “dignité”. Ils ont beau réfléchir, ils
ne comprennent pas pourquoi la dignité, ils ne comprennent pas pourquoi
l’homme est respectable. Les sots et les méchants sont nombreux. Pourquoi un
homme qui ne commet que de mauvaises actions serait-il respectable ? Non
seulement l’homme, toutes les formes de vies sont véritablement respectables.
On ne peut pas véritablement saisir les raisons de cette respectabilité tant
que la signification de ce qui est sans artifice n’est pas révélée dans le
chapitre « Durée de la vie » de la doctrine originelle.
Même la doctrine originelle enseignée par
Shakyamuni de son vivant, fut enseigné par le Bouddha aux trente-deux signes
distinctifs. Le chapitre « Discernement des œuvres et vertus »
expose les bienfaits de la voie du milieu qu’obtinrent ceux qui entendirent
l’enseignement du chapitre « Durée de la vie ». Y est-il dit que
les êtres ayant entendu directement du Bouddha le chapitre « Durée de la
vie » sont devenus Bouddha dès ce corps ? Chose étrange, rien
n’est dit dans le sutra à ce sujet. En définitive, ce n’est qu’à partir
du moment où Nichiren Daishônin, apparu dans la Fin du Dharma avec le véritable
éveil du passé infini, les éclaira de Myôhôrengekyô, graine de l’éveil
dans le passé infini, que les êtres de l’époque de Shakyamuni, devinrent
Bouddha en revenant au point le plus fondamental du passé infini, selon le
principe de “au degré de l’éveil égal, retourner à l’identité de dénomination
pour parvenir
à l’éveil merveilleux” (j. tôkaku
itten myôji myôkaku). Cette doctrine a été révélée pour la première
fois par Nichiren Daishônin dans ses écrits. Cela signifie alors que même
dans la doctrine originelle, la doctrine de l’éveil dès ce corps n’apparaît
pas dans les phrases des sutra enseignés tout au long de sa vie par le vénéré
Shakya.
Nous avons ensuite : “Ainsi-venant au triple corps sans artifice, présent à l’origine,
le corps de chair tel qu’il est.” : au tréfonds de la révélation
de la nature originelle du vénéré Shakya, Nichiren Daishônin enseigne l’éveil
du passé infini de la manière suivante :
“L’Ainsi-venant
Shakya, avant le passé des cinq cents grains de poussière, alors qu’il était
un homme ordinaire, comprenant que son corps était la terre, l’eau, le feu,
le vent et l’espace, ouvrit sur le champ l’éveil”.
Ce passage indique que le véritable éveil dès ce
corps est montré au niveau de l’homme ordinaire. Considéré à partir du
point de vue de Myôhôrengekyô, il signifie que tout et toute chose est la
substance même du Dharma merveilleux.
Sous l’éclairage de Myôhôrengekyô, même les
cerisiers, les abricotiers, les pêchers et les pruniers sont le Bouddha au
triple corps sans artifice. Le triple corps est composé du corps de Dharma, du
corps de rétribution et du corps de communication. Que l’on observe par
exemple un cerisier, un pêcher ou un être humain, toute existence est en fait
inexplicable, tant du point de vue de la forme que du contenu.
Pour être plus précis, votre vie, la forme
qu’elle revêt, sont tout à fait inconcevables. Un corps humain contient un
très grand nombre de cellules. Le cœur, le foie, tous les organes coopèrent
adroitement pour soutenir le phénomène vital. Ceci, tel quel, est l’aspect
du Dharma et la vie inconcevable de ce Dharma est appelée Dharma merveilleux,
ou encore corps de Dharma.
En ce qui concerne les arbres, ils donnent de
jolies fleurs, des feuilles vertes apparaissent, sans qu’on ait eu besoin de
les teinter. Cette fonction inconcevable en elle-même, en tant qu’existence,
est le corps de Dharma. Et puis, répondant aux saisons, au printemps les
feuilles apparaissent, en été elles sont luxuriantes, en automne les fruits se
développent. Le fait que les arbres connaissent d’eux-mêmes l’aspect de
l’apparition de l’existence, de la maturité, du changement et de la mort,
laisse à penser que ce phénomène fait partie de la sagesse du corps du
Bouddha. Par ailleurs, le fait qu’ils puissent changer d’aspect en
fournissant de l’oxygène aux êtres vivants, par exemple, et devenir matériaux
de construction, ou, en se parant de fruit, donner du profit à de nombreux êtres
sensitifs, représente la fonction du corps de communication. Ainsi, même dans
un arbre, les fonctions du corps de Dharma, du corps de rétribution et du corps
de communication, sont présentes. Quand toutes les choses et phénomènes sont
éclairés par Myôhôrengekyô, ils deviennent la substance du Dharma
merveilleux, autrement dit le triple corps sans artifice, présent à
l’origine.
Dès lors, si l’on se demande si toutes les
choses sont Bouddha, si on les observes du point de vue du Dharma merveilleux
avec les yeux éveillés du chapitre « Durée de la vie »,
effectivement, c’est une vérité indubitable. Il existe cependant une différence
entre la théorie et la réalité et il faut en faire la claire et nette
distinction. A l’origine, du point de vue du principe, toutes sont Bouddha.
Cependant, s’agissant encore de l’identité de principe, il ne
s’agit que de théorie, ce qui ne représente pas encore les fonctions du
Bouddha du chapitre « Durée de la vie ».
Autrement dit, c’est lorsque tout est éclairé
par l’éveil de Nichiren Daishônin au triple corps sans artifice que l’on
peut dire que tout est le Dharma merveilleux, tout est Bouddha. Nous, avec notre
état de vie inférieur, plongés dans l’illusion, quoi que l’on regarde, on
ne peut penser que c’est le Bouddha. Aussi, les hommes ordinaires n’en
comprennent pas la valeur dans le véritable sens du terme. La valeur dans le véritable
sens du terme peut être perçue lorsque les choses sont éclairées avec le
Dharma merveilleux.
Pour devenir Bouddha au triple corps sans artifice,
il est d’abord important d’avoir foi dans le Bouddha au triple corps sans
artifice. Ensuite, il est aussi important d’agir avec le comportement même du
Bouddha au triple corps sans artifice. Autrement dit, c’est à partir du
moment où nous manifestons cette foi et pratiquons cette ascèse que nous
devenons un remarquable Bouddha au triple corps sans artifice.
Ensuite :
Cette
doctrine est absente des sutra enseignés par le Bouddha au cours de sa vie.
Le
fait que toutes les choses, tous les phénomènes
soient le Bouddha au triple corps sans artifice, la substance du Dharma
merveilleux est montrée uniquement dans le profond des phrases du chapitre
« Durée de la vie ».
Dans
les Mots et phrases, il est dit : “Au sein de tous les sutra, ceci est
tenu secret, sans être divulgué”.
Il
existe par ailleurs deux périodes où le Sutra du Lotus se propage : ce
sont l’époque du Bouddha et la Fin du Dharma. L’ascèse également montre
deux significations : du vivant de l’Eveillé, c’était la vérité
unique pour les conditions favorables, alors que le temps présent, Fin du
Dharma après l’extinction (du Bouddha), est le temps où uniquement la
doctrine originelle doit être propagée.
Nichiren Daishônin établit une distinction entre
l’époque de Shakyamuni et celle de la Fin du Dharma. A l’époque de
Shakyamuni, où il enseigna le Sutra du Lotus et sa doctrine originelle,
il y avait l’enseignement véritable, unique et parfait. Le vénéré Shakya
enseigna en effet la perfection sous la forme d’un tout comprenant la doctrine
éphémère et la doctrine originelle. Par contre, “le
temps présent, Fin du Dharma après l’extinction (du Bouddha), est le temps où
uniquement la doctrine originelle doit être propagée”. Ce passage
signifie que la doctrine originelle du Sutra du Lotus enseignée par le vénéré
Shakya et la doctrine originelle du Sutra du Lotus enseignée par
Nichiren Daishônin sont différentes. En effet, “uniquement la doctrine originelle” est un passage à la
signification importante, puisqu’il désigne la doctrine originelle non
accompagnée de la doctrine éphémère.
Autrement dit, après que Shakyamuni ait enseigné
les sutra antérieurs et la doctrine éphémère, il enseigna la doctrine
originelle. Pour cette raison, tant qu’il était l’incarnation éphémère
du passé lointain né en Inde et ayant obtenu l’éveil pour la première fois
en cette vie, tout son enseignement donné jusqu’à la doctrine originelle était
éphémère. Ensuite, éclaircissant la substance fondamentale de la doctrine
originelle, il révéla que l’obtention de la voie par le Bouddha s’était déroulée
en réalité dans un passé très lointain. Or, bien que les gens l’aient
compris, les moyens enseignés jusqu’alors par Shakyamuni adhéraient malgré
tout à la doctrine originelle qu’il enseignait à présent. Pour cette
raison, dans le cas de Shakyamuni, celui-ci ne pouvait pas prêcher uniquement
la doctrine originelle en la séparant du reste de son enseignement. C’était
donc une doctrine originelle à laquelle adhéraient toujours les moyens.
Les gens de l’Ecole Minobu ne comprennent pas
cela. Sans la doctrine de la Nichiren Shôshû, il est impossible d’établir
la distinction nette sur ce point. Pourtant, Nichiren Daishônin est lui-même
très clair à ce sujet. Finalement, les autres écoles n’ont pas la foi dans
les écrits de transmission et ne tiennent nul compte des orientations de
Nichiren Daishônin.
Ici, nous avons le mot “uniquement”.
La doctrine originelle que Nichiren Daishônin propage dans la Fin du Dharma est
la “seule doctrine originelle”, débarrassée
de tout moyen. Contrairement à la doctrine originelle du vénéré Shakya, qui
enseigna sans cesse des moyens pour révéler à la fin la doctrine originelle,
la doctrine originelle de Nichiren Daishônin est dégagée de tout moyen depuis
le début. Depuis le début, il enseigna Nam Myôhôrengekyô.
“Moi,
Nichiren, depuis le vingt-huit du quatrième mois de la cinquième année de
Kenchô (année du bœuf, signe d’eau cadette) jusqu’à aujourd'hui, douzième
mois de la troisième année de Kôan (année du dragon, signe de fer aîné),
pendant ces vingt-huit ans, n’ai eu d’autre pensée que de m’efforcer
d'introduire les sept caractères, cinq caractères de Myôhôrengekyô dans la
voix de tous les êtres du Japon ”.
(Remontrance à Hachiman)
Nichiren Daishônin n’enseigna que Nam Myôhôrengekyô.
C’est pourquoi, il écrit “uniquement
la doctrine originelle”. Il n’y a pas de doctrine éphémère dans cette
doctrine originelle, Nichiren Daishônin enseigna l’essentiel, le fondement
tel quel à l’origine dans le passé infini (kuon
ganjô).
Jusqu’à ce point, Nichiren Daishônin établit
la distinction entre la période de Shakyamuni et celle de la Fin du Dharma. A
présent, il fait la comparaison entre la période de la Semblance du Dharma et
celle de la Fin du Dharma.
Cela
fait désormais plus de deux cents ans que le temps de la propagation de la
doctrine éphémère est révolu. Seuls Tendai et Dengyô étaient capables de
la propager. Or, tous deux sont entrés dans l’extinction.
La mission de Zhiyi (Tendai) et de Saichô (Dengyô)
fut de systématiser de manière correcte l’enseignement donné par le vénéré
Shakya tout au long de sa vie et de définir clairement ce qui était provisoire
et ce qui était véritable, c’est-à-dire d’établir la distinction entre
les moyens et la vérité. Tous ces éléments sont écrits dans les trois œuvres
majeures de Zhiyi que sont le Sens mystérieux du Lotus, les Mots et
phrases du Lotus et le Grand arrêt et examen. Shakyamuni qui, depuis
le passé infini s’est toujours incarné sous une forme éphémère, même
lorsqu’il naquit en Inde, c’était dans la systématique de la “trace
descendue”[xxvii],
de sorte que, lorsque pour finir, il enseigna la doctrine originelle, celle-ci
était encore ce qu’en terme bouddhique on appelle “doctrine originelle à
l’intérieur de l’éphémère (J. shaku
chû no honmon). C’est la raison pour laquelle, si l’on noue ensemble la
doctrine éphémère et la doctrine originelle enseignées par Shakyamuni au
sein de l’enseignement qu’il donna, tout au long de sa vie, c’est en fait
Zhiyi et Saichô qui exprimèrent la signification du Sutra du Lotus dans
le sens de la perfection de la vérité unique.
En ce qui concerne la pratique de l’ascèse, en particulier, mettant en
retrait la doctrine originelle et en avant la doctrine éphémère, Zhiyi exposa
dans le Grand arrêt et examen, la doctrine du véritable aspect des
dharma, c’est-à-dire Une pensée trois mille, ainsi que sa pratique. Or,
Zhiyi, comme Saichô sont entrés dans l’extinction et ne font plus partie de
ce monde.
Nichiren
a saisi le temps.
Nichiren Daishônin indique clairement que le temps où il est apparu est celui de la propagation du grand Dharma fondamental et que dans cette époque appelée Mappô, pour la première fois, l’occasion de propager le véritable enseignement s’est présentée.
Ne
doit-il pas propager la doctrine originelle dont il a reçu la transmission ?
Ce
passage est extrêmement important. La doctrine originelle de Nichiren Daishônin
est la doctrine originelle exprimée en fonction de la transmission de
l’essentiel opérée au chapitre « Pouvoirs transcendantaux ». En
bouddhisme, en fonction de l’ordre de la propagation à travers les trois périodes,
il existe une propagation propre à chaque période. Même les personnes
apparues au cours des périodes de la Rectitude et de la Semblance du Dharma
propagèrent en fonction de cet ordre. C’est-à-dire que Nichiren Daishônin
ne s’est pas dit “je propage ce Dharma parce que j’ai envie de le
faire”. Il propagea la doctrine originelle dans la période de la Fin du
Dharma parce qu’à l’évidence, il en avait reçu la transmission. La
doctrine originelle concernée par ce cas de figure est la doctrine originelle
du passé infini, dépouillée, comme je l’ai dit tout à l’heure, de la
doctrine éphémère, et dont il reçut la transmission. Or, Shakyamuni ne révèle
pas dans le Sutra du Lotus quel était le contenu de cette transmission.
C’est Nichiren Daishônin, apparu dans la Fin du Dharma qui, le
premier, montra ostensiblement le contenu du Dharma merveilleux. Il le montra
sous la forme des trois grands Dharma ésotériques, qu’il enseigna tout au
long de sa vie.
La
prédisposition, l’enseignement et le temps de l’éphémère et ceux de
l’originel sont très différents.
La doctrine originelle et la doctrine éphémère
sont complètement différentes. “L’éphémère” dont il est question ici
est celui que, dans le principe, Zhiyi et Saichô reçurent en tant que
transmission, mettant en avant la doctrine éphémère et en retrait la doctrine
originelle. Plus profondément, il faut comprendre que même la doctrine
originelle de l’enseignement du vénéré Shakya en tant que “trace
descendue”, fait partie de la doctrine éphémère, seule la doctrine
originelle, objet de la transmission correspond à “l’originel”. Autrement
dit, la doctrine originelle révélée dans la Fin du Dharma par Nichiren Daishônin
est tout à fait différente de la doctrine originelle de Zhiyi, de Saichô et
de Shakyamuni, trace descendue. C’est pourquoi, Nichiren Daishônin écrit ici :
“très différents”.
Question :
Nichiren est-il le seul à savoir cela ? Réponse : “Vasubandhu,
Nagarjuna voyaient clairement à l’intérieur (d’eux-mêmes)”.
Nichiren Daishônin se pose la question à lui-même :
“suis-je le seul à savoir cela ?” pour pouvoir répondre qu’en réalité,
il n’est pas le seul. Les maîtres des traités et les maîtres hommes, qui reçurent
la transmission correcte et qui
apparurent au cours des périodes de la Rectitude et de la Semblance, le
savaient tous.
En
premier, il cite Vasubandhu et Nagarjuna qui
“voyaient clairement à l’intérieur (d’eux-mêmes)”. Il s’agit en
fait d’une expression extraite du cinquième volume de l’Arrêt et examen
de Zhiyi. Le bodhisattva Vasubandhu[xxviii]
naquit en Inde dans la période de la Rectitude du Dharma. Il écrivit de
nombreuses thèses, dont un Commentaire du traité sur la systématique du
Grand véhicule[xxix],
au point d’être appelé le “maître aux milles traités”. Nagarjuna[xxx],
lui aussi, écrivit de nombreuses thèses, dont le Traité de grande sagesse
et le Traité du milieu.
Ces personnages “voyaient clairement à l’intérieur”, c’est-à-dire
qu’ils le voyaient à l’intérieur d’eux-mêmes, mais, à l’extérieur,
respectant la transmission qu’ils avaient reçue, ils ne révélèrent pas ce
qui était au dela de ce
qui leur était imparti. Ni le temps, ni la prédisposition n’étant
venus, ils ne leur était pas permis d’expliquer le contenu véritable du Sutra
du Lotus et, extérieurement, Vasubandhu établit des thèses sur le Grand véhicule
en se fondant par principe sur tous les sutra du Mahayana. Nagarjuna, quant à
lui, établit le principe de la vacuité dans le Grand véhicule en se fondant
sur les Sutra de la Sagesse. Toutefois, profondément, ils étaient fondés
sur le Sutra du Lotus et savaient pertinemment au plus profond d’eux-mêmes
que ce sutra était le plus excellent.
Le
grand maître du Tendai disait : “ la dernière période de cinq cents
ans sera largement humectée par la voie merveilleuse”.
Cette phrase de Zhiyi est extraite des Mots
et phrases, au passage où, commentant le Myôhôrengekyô du chapitre
« Introduction » du Sutra du Lotus et le divisant en trois
niveaux –introduction, développement et diffusion, il prophétise, en
particulier en ce qui concerne la diffusion, que le Sutra du Lotus
apportera immanquablement des bienfaits à de nombreuses personnes dans
l’avenir.
Le
grand maître Dengyô disait : “ La Rectitude et la Semblance sont déjà
passées et terminées. La Fin du Dharma est extrêmement proche. C’est véritablement
le temps, à présent de la prédisposition au véhicule unique de la fleur du
Dharma. Comment peut-on le savoir ? Le chapitre des Pratiques aisées
indique : « Dans l’ère finale, lorsque le Dharma disparaîtra… »”.
Cette phrase est citée du Discours sur
la Protection de la Nation[xxxi].
Elle signifie que la période de la Rectitude du Dharma était complètement
révolue, celle de la Semblance était pratiquement passée et, dans peu de
temps, allait commencer celle de la Fin. La prédisposition au véhicule unique
du Sutra du Lotus apparaîtra véritablement dans la Fin du Dharma. Or, Dengyô,
personnage de la période de la Semblance du Dharma, citant un passage du
chapitre des « Pratiques aisées » se lamentait de ne pas être là
au moment de la propagation du véritable Dharma correct.
Ces
maîtres des traités, ces maîtres hommes savaient que la période de luttes et
de débat que sera la Fin du Dharma, sera le temps où le (bodhisattva) sortira
de terre pour propager Nam Myôhôrengekyô, cœur essentiel de la doctrine
originelle. Ils en soupiraient, c’est pourquoi, ils disaient de tels
commentaires.
Ce passage conclut le précédent.
Vasubandhu et Nagarjuna, ainsi que Zhiyi et Saichô étaient tous nés dans les
pérides de la Retitude et de la Semblance du Dharma. Toutefois, ils savaient
tous que c’est dans la période de la Fin du Dharma que, pour la première
fois, les bodhisattva sortis de terre doivent apparaître pour propager Nam Myôhôrengekyô,
cœur essentiel, essence de la doctrine originelle.
Ici, il y a l’expression “cœur
essentiel” accolée à “doctrine originelle”. Ceci est, je pense, très important. Dans le Traité qui ouvre les
yeux, l’expression utilisée pour désigner la même chose est : “le
profond des phrases” (j. montei). Dans de nombreux écrits, Nichiren Daishônin utilise l’expression “cœur
essentiel” (j. kanjin). Elle signifie que la précieuse substance
de la doctrine originelle se situe à un niveau plus profond que la doctrine
originelle de Shakyamuni. Il l’a exprimé par : cœur
essentiel”, dont l’essence est Nam Myôhôrengekyô. Les maîtres précédents le
connaissaient et savaient qu’il se propagerait dans le Fin du Dharma avec la
notion de la comparaison entre le provisoire et le véritable, entre
l’originel et l’éphémère et entre l’ensemencement et la récolte.
C’est pourquoi, ils regrettaient de ne pas être nés dans la Fin du Dharma et
donnèrent de tels commentaires.
A partir du passage suivant, Nichiren
Daishônin indique, en les comparant, la relation entre la doctrine originelle
et la doctrine éphémère au niveau de l’enseignement de Shakyamuni et démontre
pourquoi la doctrine originelle surpasse la doctrine éphémère.
En
ce qui concerne l’éveil dès ce corps, la doctrine éphémère en est la
porte d’entrée. La doctrine originelle en exprime la signification véritable.
La doctrine éphémère est comparable à
la porte d’entrée de la boddhéité. C’est par la porte que l’on entre
dans une maison. Aussi, la porte d’entrée, en elle-même, ne représente pas
encore la véritable essence, la signification véritable. Par contre, la
doctrine originelle est l’expression même de la véritable signification de
“devenir Bouddha dès ce corps”.
Les
hommes qui obtinrent la voie grâce à la doctrine éphémère obtinrent l’éveil
par la graine catégorielle ou la graine relative.
Ce passage parle de l’accès à la boddhéité de
Shariputra[xxxii]
et de Maudgalyayana[xxxiii].
Dans un sens premier, ils obtinrent la voie grâce à la doctrine éphémère.
Par ailleurs, les stances des moines (j. biku ge) du chapitre des « Moyens »
montre d’autres formes d’éveil. Parmi celles-ci, il y a l’éveil dû aux
œuvres et vertus de personnes ayant sculpté des statues du Bouddha, construit
des stupa où bien encore d’enfants qui, jouant avec du sable, firent des
statues du Bouddha. Ces formes d’éveil représentent l’éveil de la graine
catégorielle.
En fait, cette graine catégorielle est également
appelée “l’éveil par le petit bien”. Fondamentalement, le Sutra du
Lotus correspond au grand bien ; le grand bien de devenir Bouddha. Même
sans réaliser directement ce grand bien, certains, en fonction de diverses
causes et relations peuvent entendre le petit bien et le mettre en pratique et,
ainsi, ouvrir progressivement leur état de vie. Grâce à leur lien avec le Sutra
du Lotus, ces personnes deviennent immanquablement Bouddha.
Par contre, la graine relative désigne l’éveil
des êtres plongés dans l’illusion des mauvaises passions, du karma et de la
souffrance et qui, en réalité, en dominant leur substance, deviennent Bouddha
dès ce corps. Normalement, on peut comprendre que l’on devient Bouddha
naturellement en accomplissant le bien. Or, au contraire, même les personnes
qui commettent le mal peuvent devenir Bouddha en recevant le grand Dharma du Sutra
du Lotus. Cela signifie que, fondamentalement, tous les êtres sont le
Bouddha au triple corps sans artifice. Aussi, à partir du moment où ils se
dotent des grandes œuvres et vertus de recevoir et de garder le Dharma
merveilleux, toutes leurs mauvaises passions et fautes d’entrave réalisent
immédiatement les œuvres et vertus du Bouddha. C’est difficile à admettre,
cependant il faut véritablement le croire. Nichiren Daishônin montra par son
expérience physique ce processus en tant que signification fondamentale de l’éveil
dès ce corps.
Dans
les deux cas, la signification véritable n’existe que dans le chapitre Durée
de la vie de la doctrine originelle. C’est pourquoi, constamment, vous devez
faire l’observation de la pensée en vous appuyant sur ce point. Ce sera
l’observation juste.
Dans le bouddhisme du Petit véhicule, il était
enseigné que la source de la souffrance résidait dans les mauvaises passions
et que si l’on ne se débarrassait pas de ces mauvaises choses, on ne pouvait
pas devenir Bouddha, c’est-à-dire entrer dans un état de vie d’équilibre.
Cette pensée relève des activités dotées d’artifices déjà évoquées
tout à l’heure. En effet, c’est par la suppression des mauvaises passions
que l’on ouvre l’éveil. Or, l’enseignement devenant progressivement plus
élevé, dans l’enseignement véritable, en éclairant l’ensemble à
l’aide de cet enseignement correct qu’est le Dharma merveilleux, tout être
ou toute chose, les chiens comme les chats, bien entendu, mais également les
pierres et le sable, répondent tous au principe de “une forme, un parfum tout
est la voie du milieu”[xxxiv]
et sont en réalité le Bouddha au triple corps sans artifice. Lorsqu’on a foi
dans Myôhôrengekyô et que l’on observe alors le monde des dharma, on
trouve la valeur fondamentale, originelle de toutes choses. Dès lors, si l’on
a foi dans l’Ainsi-venant au triple corps sans artifice qui s’est éveillé
à Myôhôrengekyô, nous recevons nous-mêmes, tels quels, les vertus de
l’Ainsi-venant au triple corps sans artifice. Ceux qui pratiquent l’acte du
Bouddha et récitent Nam Myôhôrengekyô, voient leur corps, tel quel devenir
Bouddha au triple corps sans artifice. Ils peuvent ainsi attester clairement des
œuvres et vertus.
Les gens parlent de liberté, d’égalité, de
dignité. Ils prononcent ces paroles sans savoir où se trouve l’essence de
ces notions. Grâce à l’enseignement de Nichiren Daishônin, nous savons que
toutes les choses sont le Dharma merveilleux. Pour cette raison, leur véritable
signification et leur véritable valeur nous apparaissent. C’est ce à quoi
chacun de nous doit avoir foi.
La fin est l’expression de la rigueur et
compassion de Nichiren Daishônin vis-à-vis de Dame Myôichi.
Alors
que de tels excellents hommes des temps anciens étaient embarrassés par l’éveil
dès ce corps,
Les gens des temps anciens avaient des difficultés
pour comprendre le principe de devenir Bouddha dès ce corps. Ils n’en
parvinrent pas à l’essence.
Que
vous, une femme, m’interrogiez sur une telle doctrine n’est pas ordinaire.
Vous qui êtes une femme, le fait que vous
m’interrogiez plusieurs fois sur la plus importante doctrine que celle de
devenir Bouddha dès ce corps est véritablement merveilleux, tout à fait
remarquable.
Le
vénéré Shakya aurait-il pénétré votre corps ? Avez-vous pris la relève
de la fille du roi des Dragons ?
Le vénéré Shakya serait-il revenu en prenant
votre aspect, ou bien avez-vous hérité des œuvres et vertus de la fille du
roi des dragons qui, grâce aux œuvres et vertus de la foi et de la pratique
profondes envers le Sutra du Lotus montra l’éveil dès ce corps ?
Ou bien la femme (nommée) Gautami serait-elle revenue ?
La femme nommée Gautamie est Mahaprajapati qui fut
la dernière à recevoir la prédiction de son futur nom de Bouddha, au cours du
chapitre « Exhortation à garder ». C’était en fait la tante de
Shakyamuni. Maya, la mère de ce dernier mourut tout de suite après lui avoir
donné naissance. Ce fut donc par la sœur cadette de sa mère, Mahaprajapati,
que Shakyamuni fut élevé. Après que ce dernier fut devenu Bouddha, elle
souhaita devenir nonne, vœu qui lui fut longtemps refusé. Cependant, pour
finir, elle reçut l’autorisation d’entrer dans les ordres et c’est en
tant que nonne qu’elle assista au prêche du Sutra du Lotus et
qu’elle reçut, au cours du chapitre « Exhortation à garder »,
son nom futur de Bouddha : “l’Ainsi-venant Vision de joie pour tous les
êtres”. Une telle personne, devenue Bouddha grâce à la rigueur et la
compassion du vénéré Shakya serait-elle réapparue dans la période de la Fin
du Dharma ? C’est par ces mots que Nichiren Daishônin fait l’éloge de
Dame Myôichi.
Je ne le sais pas. Vous appréciez la lune de l’éveil de la lumière paisible en dissipant les nuages des cinq obstacles.
Les cinq obstacles sont : ne pas pouvoir
devenir le roi Daibonten, ne pas pouvoir devenir le roi Taishaku, ne pas pouvoir
devenir le Roi démon, ne pas pouvoir devenir le saint roi qui tourne la roue
et, enfin, ne pas pouvoir devenir Bouddha. En fait, même si les hommes
pouvaient devenir ces cinq rois, les femmes, elles, ne le pouvaient pas. Bien
entendu, il s’agit là d’enseignement en tant que moyens utilisés par
Shakyamuni dans ses sutra antérieurs au Sutra du Lotus, dans lesquels il
expliquait la profondeur des crimes karmiques, des fautes d’obstacles et de
mauvaises passions des femmes. Mais rassurez-vous, Mesdames, une fois parvenu au
Sutra du Lotus, la parfaite égalité des hommes et des femmes fut exposée.
Ici, Nichiren Daishônin écrit en substance : « même pour vous, qui
êtes une femme, grâce à votre foi dans le Sutra du Lotus, les nuages
des cinq obstacles se sont évaporés et “vous
chantez la lune de l’éveil de la lumière paisible”. La « lumière
paisible » est le lieu où réside le Bouddha. Vous contemplez la lune
de l’éveil dans ce profond, respectable et pur état de vie. Autrement dit,
vous avez sans doute réalisé de devenir Bouddha dès ce corps. Ce soir, selon
le calendrier lunaire, nous sommes le 15 août, nuit de la lune des moissons. Je
vous encourage, Mesdames et Messieurs, de regarder cette nuit la lune des
moissons en pensant à ces mots : “
lune de l’éveil de la lumière paisible” et en récitant Nam Myôhôengekyô.
Aujourd’hui, j’ai parlé d’une doctrine réellement
complexe et vous avez peut-être eu des difficultés
à la comprendre. La doctrine de devenir Bouddha dès ce corps se réduit
à la substance de l’Ainsi-venant au triple corps sans artifice à
l’origine. Déjà, il y a plus de sept cents ans, Nichiren Daishônin déclara
les véritables causes et valeurs de toutes les choses.
Récemment,
la science a réellement progressé. Elle est à présent capable de montrer le
contenu infinitésimal non seulement de l’être humain, mais également de
toutes les existences de l’univers, tant du point de vue spatial que du point
de vue temporel, à l’aide, par exemple, de la théorie de la relativité
d’Einstein ou de la physique nucléaire. Je ne suis pas un spécialiste, mais
si je réfléchis à ce contenu, je peux dire qu’il existe un point commun
entre toutes les choses. En effet, non seulement l’être humain, mais également
les animaux et tous les organismes vivants, pas seulement les organismes vivants
mais les êtres inorganiques et toutes sortes de choses ont pour point commun
qu’ils sont une chose unique. Ils sont en effet la substance du Dharma
merveilleux. Qui plus est, ce Dharma merveilleux possédant la signification du
triple corps sans artifice du Bouddha, la foi et la pratique du Dharma
merveilleux font apparaître les véritables œuvres et vertus.
Je pense qu’à travers les diverses formes de développement que connaîtra la science, elle montrera que l’enseignement du Bouddha révèle le sens fondamental de la voie vers le bonheur des peuples, des sociétés, des Etats et du monde des dharma dans son ensemble. Je vous demande de réfléchir au fait que c’est nous, moines et laïcs de la Nichiren Shôshû, qui pratiquons concrètement ces œuvres et vertus et de vous rappeler que nous nous dotons, dans notre vie quotidienne des œuvres et vertus de devenir Bouddha dès ce corps et des autres bienfaits. Je termine en vous demandant de progresser sur la voie de la pratique de l’ascèse bouddhique.
NOTES SUR LE TEXTE
[i]
3e année de Kôan : 1280
[ii]
Chronique des Bouddha et des Patriarches (j. Busso tôki) : Ouvrage en cinquante-quatre fascicules écrit
par Shiman moine de l’époque des Sung (fin du 17e siècle)
retraçant en quatre vingt dix chapitres l’histoire du bouddhisme du point
de vue du Tendai.
[iii]
Autres traductions possibles : “Paroles véritables”, “Mantra”,
“Paroles efficaces”, etc.
[iv]
Sutra du Grand soleil (s. Mahavairocana sutra, c. Ta jih
ching, j. Dainichi kyô) :
Ecrit fondamental du bouddhisme tantrique. Traduit du sanskrit en chinois en
724 par Shan wu wei (Zenmui) sous la forme de trente-six chapitre répartis
à travers sept fascicules, ce sutra présente le monde comme une scène où
le Bouddha Vairocana, résidant dans le profond du cœur de chaque être, révèle
les trois mystères du tantrisme, par lesquels chacun peut découvrir le pur
esprit de son propre éveil.
[v]
Sutra de la Couronne de diamant (s. Vajrasekhara
sutra, j. Kongôchô kyô) :
trois traductions en chinois existent de ce sutra en trois fascicules, dont
la plus célèbre est celle d’Amoghavajra (j. Fuku).
[vi]
Sutra de l’Acte de perfection (s. Susiddhikara
sutra, j. Soshitsujikara kyô) :
trois fascicules traduits en chinois par Subhakarasimha (j. Zenmui) ;
l’un des trois sutras du bouddhisme ésotérique.
[vii]
Deuxième Patriarche du Tendai chinois : Zhangan (j. Shôan) 561-632.
[viii]
Troisième Patriarche du Tendai chinois : Zhiwei (j. Chi-i)
[ix]
Abhiseka : voir BEF n° 80 p. 19.
[x]
Six degrés (j. rokusoku) : Il
s’agit de la pratique des bodhisattva de l’enseignement parfait du Sutra
du Lotus, classée, selon Tendai, en six sortes de degrés de pratique.
[xi]
Identité de principe (j. ri soku) :
C’est le degré d’illusion dans lequel
l’homme ordinaire n’a pas encore entendu parler du Dharma correct. Il
n’est identique au Bouddha que par principe.
[xii]
Identité de dénomination (j. myôji
soku) : c’est le degré où l’on
prend connaissance du fait, qu’à l’origine, nous sommes Bouddha
[xiii]
Identité de contemplation (j. kangyô
soku) : c’est le degré dans lequel le
bodhisattva, par sa pratique, observe la nature de Bouddha qui est en son cœur.
[xiv]
Identité d’analogie (j. sôji soku) :
c’est le degré dans lequel le bodhisattva
s’est débarrassé des égarements de la vue et de la pensée, des égarements
des grains de poussières et a obtenu la purification des six racines.
[xv]
Identité de la réalité fractionnelle (j. bunshin
soku) : c’est le degré dans lequel le bodhisattva s’est départi
de tous les égarements de l’obscurité, en dehors de l’obscurité
fondamentale. Il n’est plus sujet à l’illusion et fait apparaître
partiellement sa nature de Bouddha.
[xvi]
Identité ultime (j. kukyô soku) :
C’est le degré dans lequel le bodhisattva a
brisé l’obscurité fondamentale et fait apparaître entièrement sa
nature de Bouddha. C’est le degré de l’éveil merveilleux.
[xvii]
Traité sur l’aspiration à l’éveil (j. bodaishin
ron) : ouvrage en un volume attribué à Nagarjuna et traduit en
chinois par Amoghavajra (j. fukû).
Il cite de nombreuses écritures dans le dessein d’élucider le
fonctionnement de l’aspiration à l’éveil. Considéré comme l’un des
dix traités majeurs du Shingon, de nombreux commentaires en ont été
faits.
[xviii]
Samadhi (j. sanmai) :
concentration de l’esprit sur un objet unique. L’objet de la
concentration peut être physique, peut être un principe métaphysique ou
une existence transcendantale. Cet exercice est habituellement pratiqué de
manière répétitive pendant une longue période de temps, jusqu’à ce
que le pratiquant atteigne une concentration de l’esprit dans laquelle il
réalise des principes ou visualise des objets transcendantaux.
[xix]
Cinq pouvoirs (j. go zû) :
1) Pouvoirs de la vue transcendantale, de l’ouïe transcendantale, de
vision à l’intérieur des pensées d’autrui, de se souvenir des précédentes
formes d’existence et d’agir librement. 2) Pouvoirs par lesquels on peut
marcher sans toucher terre, connaître les pensées des autres, voir tout,
venir dès qu’on est appelé et passer au travers des rochers.
[xx]
Mudra (j. in) : n.
fém. invar. (mot sanskrit «sceau»). Dans le bouddhisme et le tantrisme,
geste rituel accompli avec les doigts et qui appartient à un code
symbolique compris par tous les fidèles. (Les mudra sont employées également
dans la danse traditionnelle indienne.)
[xxi]
Mantra (j. shingon) : n.
masc. (mot sanskrit «instrument de pensée»). Dans le brahmanisme et le
bouddhisme, mots, formules incantatoires, destinés à favoriser la
concentration. À l'origine, les mantras désignaient les stances védiques.
[xxii]
Kôbô (774-835) : nom posthume de Kûkai, fondateur de l’école des
Incantations sacrées (shingon) au
Japon. Originaire de la province de Sanuki, il se rendit à l’âge de 15
ans à Nara et à Kyoto pour y étudier. Durant sa jeunesse, il se consacra
à l’étude de l’histoire et de la littérature classique chinoises,
ainsi qu’aux écrits bouddhistes. Il devint novice au temple Todaiji à 20
ans et fut ordonné prêtre à 22 ans. En 804, il se rendit en Chine, à
Changan, où il rencontra Hui kuo qui l’initia aux doctrines et aux
rituels du bouddhisme ésotérique dont il lui fit la transmission. Kûkai
étudia également les enseignements de l’Ornementation fleurie (kegon)
et de la Sagesse (Hannya). Il
retourna au Japon en 806 où il mena la vie de reclus au temple Jingoji,
situé au nord-ouest de Kyoto. En 809, par décret impérial, il alla
s’installer au mont Takao où il enseigna le bouddhisme ésotérique. En
816, il créa le temple Kongôbuji au mont Koya, qui devint le centre de
l’étude et de la pratique du bouddhisme ésotérique. Sept ans plus tard,
on lui confia le temple Tôji à Kyoto, qui devint un autre centre du
bouddhisme ésotérique. En 824, il pria efficacement pour la pluie. Il reçut
alors le titre de Préfet monacal mineur (shô
sôzu), puis, en 827, celui de Préfet monacal majeur (dai sôzu). Il mourut en méditation au mont Koya. Il reçut de
manière posthume le titre de Recteur monacal majeur (dai sôjô), puis, en 921, celui de grand Maître (daishi).
Outre des ouvrages bouddhiques, tels la Doctrine de l’éveil dès ce
corps (sokushin jôbutsu gi) et
le Discours sur les dix degrés de l’esprit
(jûjû shin ron), il est l’auteur de calligraphies et de sculptures
de renom.
[xxiii]
Elle se transforma et devint un homme (j. henjô
nanshi) : phrase du chapitre douzième « Devadatta » ;
dans la Transmission orale de la doctrine, Nichiren Daishônin dit à
ce sujet : « “Elle
se transforma et devint un homme” signifie que la nature originelle de la
fille du roi des Dragons est Nam Myôhôrengekyô », montrant
ainsi que l’éveil dès ce corps des femmes signifie l’égalité entre
les hommes et les femmes dans l’obtention de la boddhéité.
[xxiv]
Accumulation de sagesse : j. Chishaku
bosatsu).
[xxv]
Arhat (j. arakan ou rakan): littéralement
“qui tue l’ennemi” (c’est-à-dire les mauvaises passions (j. bon’nô),
ou encore “digne” (d’offrandes). I) Un des dix qualificatifs du
Bouddha. Les arhat étaient en effet considérés dans le Petit véhicule comme
étant du même niveau que le Bouddha. II) Dans le Grand véhicule, ils sont
“simplement” les saints du Petit véhicule qui ont interrompu les
mauvaises passions et obtenu la libération du cycle des vies et des morts.
[xxvi]
Six pouvoirs transcendantaux (j. roku
jin ou roku jinzû) : 1)
Faculté de se transformer et de transformer les objets à volonté et de
se déplacer librement, 2) Faculté de voir l’infiniment lointain ou
l’infiniment petit, aussi bien que ce qui est proche ou grand, 3) Faculté
de tout entendre, 4) Faculté de comprendre ce que pensent les autres,
5) Faculté de connaître les vies passées des autres, 6) Faculté de détruire
toutes les mauvaises passions. Les cinq premiers sont communs avec les
pouvoirs surnaturels des brahmanes.
[xxvii]
Trace descendue (j. suijaku) :
manifestation sous une forme incarnée éphémère de la nature originelle
(j. honjii) d’un Bouddha ou
d’un bodhisattva.
[xxviii]
Vasubandhu (j. Seshin ou Tenjin
) : il naquit à Purusapura, pays de Gandhara au quatrième siècle. Son père
s’appelait Kausika. Il avait pour frères Asanga et Buddhasimba. Au début,
il suivit le Petit véhicule, période au cours de laquelle il étudia le Mahavibhasa
(j. Dai bibasha ron) et écrivit l’Abhidharma kosa sastra (j.
Abidatsuma kusha ron). Il critiquait le Grand véhicule, mais profondément
influencé par Asanga, il s’y convertit. Il est dit être l’auteur de
mille ouvrages, cinq cents sur le Hinayana et Cinq cents sur le Mahayana. Le
Grand véhicule exposé par Asanga et Vasubandhu fut appelé l’école du
Yogacara (concentration), opposée à l’autre grand courant indien
mahayaniste que fut l’école du Madhyamika (milieu) de Nagarjuna et
d’Aryadeva.
[xxix]
Commentaire du Traité sur la systématique du Grand véhicule (j. shô
dajô ron shaku) : le Traité sur la systématique du Grand véhicule
est une œuvre de Asanga (j. Mujaku),
le frère aîné de Vasbandhu. Il s’agit d’une exposition de la systématique
du Rien que conscience (j. yui shiki, s.
vijñapti matrata). Trois traductions en chinois furent faites de
cet ouvrage : par Butsudasenta (2 fascicules), Paramartha (3 fascicules) et Xuangzang (3 fascicules).
[xxx]
Nagarjuna (j. Ryûju) : un des principaux
philosophes du Mahayana, il est considéré comme le deuxième Bouddha et
est le fondateur du courant Madhyamika (courant de la vision du milieu),
l’un des deux principaux courants du bouddhisme en Inde. Il naquit dans
une famille brahmana dans le sud de l’Inde entre le deuxième et le troisième
siècle. Il étudia d’abord les canons du Hinayana. Plus tard, il reçut
les sutra du Mahayana d’un vieux Bhiksu dans l’Himalaya. Il retourna
dans le sud de l’Inde où, sous l’égide du Roi Satavahana du sud de
Kosala, il exposa l’enseignement de la vacuité (s. sunyata, j. kû). Il est
le treizième patriarche héritier de la transmission de Shakyamuni et est
considéré en Chine et au Japon comme le fondateur de huit Ecoles. Ses
principaux ouvrages sont : le Traité du milieu (s. Mula madhyamaka sastra, j. chûron),
le Traité des douze portes (s. Dvadasa
nikaya sastra, j. jûni mon ron),
le Traité des soixante-dix (définitions de la) vacuité (s. Sunyata
saptati, j. kû shichijû ron), le Traité pour écarter les vaines
discussions (s. Vigraha vyavartani,
j. ejô ron), les Soixante
stances du principe véritable (s.Yukti
sasthika karika, j. rokujû ju
nyori ron), la Réfutation de l’être dans le Grand véhicule
(s. Mahayana bhava sampranti, j. Daijô
ha-u ron), les vingt stances du Grand véhicule (s. Mahayana
gatha vimsaka, j. Daijô nijû ju
ron) et le Traité du Roi juste Pratique-précieuse (s. Arya
ratnavali, j. Hôgyô shô-ô
ron). On lui attribue également le fameux Traité de grande sagesse
(s. Mahaprajña paramitopadesa, j.
Daichido ron), ce que certains
boudologues réfutent.
[xxxi]
Discours sur la Protection de la Nation (j. Shugo
kokkai shô) : livre en neuf volumes écrit par Saichô (grand maître
Dengyô), dans lequel il démontre la supériorité des enseignements de
Zhiyi sur ceux de Tokuitsu, un moine de l’école de la Nature des Dharma
(Hossô). Ce dernier avait lui-même écrit un livre, intitulé (j. chûben gikyô), dans lequel il critiquait les doctrines du Tendai
du point de vue de la Glorification du mystère du Lotus (j. hokke
genzan) de Cie (j. Jion).
[xxxii]
Shariputra (j. Sharihotsu) : un des dix principaux disciples de Shakyamuni.
Né dans un village du nord de Rajagrha dans le pays de Magadha, il devint
adepte de Samjaya, un des six maîtres des voies extérieures, en même
temps que Maudgalyayana. Tous deux avaient leurs propres disciples au nombre
de cent. Tous ces disciples devinrent adeptes du Bouddha lorsque Shariputra
et Maudgalyayana se convertirent à ses enseignements. Shariputra était
considéré comme le plus brillant des disciples de Shakyamuni. On
l’appelait le premier en sagesse. Il mourut avant Shakyamuni.
[xxxiii]
Maudgalyayana (j. Mokuren) : l’un des dix principaux disciples de
Shakyamuni. On l’appelait aussi Kolita. Maudgalyayana était le nom de
famille de sa mère, Kolita celui de son père. Ce dernier était un
brahmane du village de Kolita près de Rajagrha, capitale du pays de Magada.
Il devint disciple du Bouddha après avoir été convaincu par son ami
Shariputra. Il était le meilleur dans la pratique des pouvoirs
transcendantaux. Il fut tué par un brahman avant l’extinction du Bouddha.
[xxxiv]
“Une forme, un parfum ne maquent pas de s’accorder à la voie du
milieu” (j. isshiki, ikkô, muhi chûdô) :
phrase extraite du Grand arrêt et examen.
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Traduit
du Japonais par Gérard Purec
et
Publié dans la revue Le Bouddhisme de l'Ecole Fuji
ecole-fuji@wanadoo.fr